Orion 6B
Milicien
... Je souhaite que la route soit longue.
Je vous fais part des sentiments mélangés qui m'ont tenu éveillé une bonne partie de la nuit. Voilà. Je pense que je vais arrêter ce jeu. Et croyez bien que je le regrette.
L'ayant découvert il y a à peine un mois sur les conseils de mon prof de grec - quelle bénéfique et funeste influence! - j'entrais dans un monde qui me passionnait: les dieux, les héros et toutes les îles de la mer Egée prenaient vie sous mes yeux enchantés de s'y voir transportés comme par une machine à remonter le temps. Un ravissement donc, dans tous les sens du terme.
Me passionnait surtout la fondation d'une ville sur une île où le hasard du jeu m'amena. Je la faisais croître peu à peu, soucieux de son bon développement, apprenant chaque jour un truc, une astuce, des possibilités moins évidentes pour moi qui n'avais encore jamais joué en ligne, peu désireux de voir mon temps si précieux (études, sports, associations, famille et amis) phagocyté de la manière dont plusieurs amis de mon âge l'étaient dans leurs propres jeux de guerre ou de stratégie. Suivant les conseils du jeu je rejoignis aussitôt une alliance qu'on me proposa et d'emblée elle me plut.
Quelques jours plus tard j'en fondais une deuxième un peu plus loin, invité par mes alliés sur une place préparée. Et là, très vite, je fus confronté aux attaques ennemies:
C'est aussi cela le jeu, me dis-je. Aidé par mes alliés, je résistai plutôt bien et gagnait de jolis points de combat. Mais, au bout de la 12è ou 13è attaque d'affilée du même ennemi, je me retrouvai sans aucun combattant et voyais ma chère cité envahie puis colonisée par ces sanguinaires barbares.
Je pensais à Léonidas devant les Thermopiles...
Plusieurs jours plus tard, ce furent deux autres de mes cités qui eurent à affronter de multiples attaques du même joueur et de sa puissante coalition. Et cela dans la nuit la plupart du temps. A moins d'être connecté 24/24 avec une puce greffée sur mes neurones, il m'est donc impossible d'avoir une chance quelconque de résister bien longtemps. A peine ai-je le temps nécessaire pour me refaire un peu de force qu'une attaque imminente s'annonce! Tout ça finit par me stresser, gêne mes études et mes autres activités. J'en arrive même à en rêver la nuit et me suis plusieurs fois levé pour vérifier que tout était calme et reposé dans les villes sous éclairage nocturne. Moi qui ai toujours dormi comme un bébé (quoique...).
J'en suis donc venu aux conclusions suivantes: ce jeu est pratiquement verrouillé par 4 ou 5 coalitions capables de fournir attaques et soutiens en continu avec leurs centaines de villes. Moi et les miens ne pouvons pas lutter. J'ai des études à poursuivre, des sports où je suis engagé, une famille et des amis qui me voient depuis un mois moins présent auprès d'eux. Je ne peux ni ne veux faire ce sacrifice. Plutôt subir une hécatombe. Ce jeu -que j'adore pourtant- m'est trop chronophage. Il est mieux fait pour des retraités cloîtrés, sans famille ni vie associative, voire insomniaques: j'ai le temps d'y arriver à mon tour!
je ne peux plus lutter équitablement dans ce jeu. Il devrait y avoir -rêve utopique- une limite au nombre d'attaques successives des mêmes joueurs, un temps de récupération pour les joueurs, l'interdiction de certaines fonctions (on me parle d'alarme réveillant les joueurs non connectés en cas d'attaque) , bref une certaine régulation, un modus vivendi équitable. Mais c'est peut-être ça le jeu, finalement. Et comme je ne veux me miner ni le moral ni la santé ni la vraie vie, je pense qu'il serait mieux pour moi d'arrêter. Encore trop frais dans ce jeu, j'en ignore encore toutes les subtilités bien que je progresse cependant à chaque fois que j'y consacre du temps (trop maintenant). J'en ai parlé à des amis versés dans des études scientifiques (informatique-connectique-réseaux de neurones) et on pense à créer un jeu dans le monde antique, amélioré, débarrassé des inégalités de traitement entre les joueurs, plus équitable et hors de la domination sans partage de tyrans sanguinaires.
A moi les idées (le littéraire passionné) à eux le processus de réalisation. Mais peut-être est-ce une tâche trop ardue pour nous.
Pour l'instant je vais me rendre dans le jeu là où je l'ai laissé la veille, en priant que mes quelques villes ne se retrouvent pas anéanties en mon absence (et que dire quand je serai sur les pistes de fond pendant les vacances de Noël!).
Je retrouverai ceux de mon alliance qui me manqueront sûrement, le captain si vaillant, Quentin et roro, l'amoureux de la baie d'Along, la fée Morgane et toute la famille Addams. On ne se rencontrera sans doute jamais et c'est bien ainsi je crois. Je leur ai construit une apparence, des airs, des attitudes qu'ils n'ont probablement pas mais c'est ainsi qu'à travers leurs avatars je les vois et il en va certainement de même pour eux. Je les en remercierai le temps venu.
Merci enfin aux développeurs du jeu; puissiez-vous seulement l'améliorer assez pour laisser le temps à ceux qui y font les premiers pas de grandir un peu et de ne pas être rapidement dégoûté par les avanies du sort.
Voilà. J'en ai maintenant fini. J'espère que vous aurez toute la noblesse d'âme requise pour en excuser la longueur mais rassurez-vous: ce sera la dernière fois.
Pardon aussi si je n'ai pas choisi la bonne entrée pour ce message personnel. Je vais maintenant repartir sur mon bateau ivre, frêle esquif déhanché sur la crête des vagues, veuf de nocher, de timon et de rame. Ciao!
Je vous fais part des sentiments mélangés qui m'ont tenu éveillé une bonne partie de la nuit. Voilà. Je pense que je vais arrêter ce jeu. Et croyez bien que je le regrette.
L'ayant découvert il y a à peine un mois sur les conseils de mon prof de grec - quelle bénéfique et funeste influence! - j'entrais dans un monde qui me passionnait: les dieux, les héros et toutes les îles de la mer Egée prenaient vie sous mes yeux enchantés de s'y voir transportés comme par une machine à remonter le temps. Un ravissement donc, dans tous les sens du terme.
Me passionnait surtout la fondation d'une ville sur une île où le hasard du jeu m'amena. Je la faisais croître peu à peu, soucieux de son bon développement, apprenant chaque jour un truc, une astuce, des possibilités moins évidentes pour moi qui n'avais encore jamais joué en ligne, peu désireux de voir mon temps si précieux (études, sports, associations, famille et amis) phagocyté de la manière dont plusieurs amis de mon âge l'étaient dans leurs propres jeux de guerre ou de stratégie. Suivant les conseils du jeu je rejoignis aussitôt une alliance qu'on me proposa et d'emblée elle me plut.
Quelques jours plus tard j'en fondais une deuxième un peu plus loin, invité par mes alliés sur une place préparée. Et là, très vite, je fus confronté aux attaques ennemies:
C'est aussi cela le jeu, me dis-je. Aidé par mes alliés, je résistai plutôt bien et gagnait de jolis points de combat. Mais, au bout de la 12è ou 13è attaque d'affilée du même ennemi, je me retrouvai sans aucun combattant et voyais ma chère cité envahie puis colonisée par ces sanguinaires barbares.
Je pensais à Léonidas devant les Thermopiles...
Plusieurs jours plus tard, ce furent deux autres de mes cités qui eurent à affronter de multiples attaques du même joueur et de sa puissante coalition. Et cela dans la nuit la plupart du temps. A moins d'être connecté 24/24 avec une puce greffée sur mes neurones, il m'est donc impossible d'avoir une chance quelconque de résister bien longtemps. A peine ai-je le temps nécessaire pour me refaire un peu de force qu'une attaque imminente s'annonce! Tout ça finit par me stresser, gêne mes études et mes autres activités. J'en arrive même à en rêver la nuit et me suis plusieurs fois levé pour vérifier que tout était calme et reposé dans les villes sous éclairage nocturne. Moi qui ai toujours dormi comme un bébé (quoique...).
J'en suis donc venu aux conclusions suivantes: ce jeu est pratiquement verrouillé par 4 ou 5 coalitions capables de fournir attaques et soutiens en continu avec leurs centaines de villes. Moi et les miens ne pouvons pas lutter. J'ai des études à poursuivre, des sports où je suis engagé, une famille et des amis qui me voient depuis un mois moins présent auprès d'eux. Je ne peux ni ne veux faire ce sacrifice. Plutôt subir une hécatombe. Ce jeu -que j'adore pourtant- m'est trop chronophage. Il est mieux fait pour des retraités cloîtrés, sans famille ni vie associative, voire insomniaques: j'ai le temps d'y arriver à mon tour!
je ne peux plus lutter équitablement dans ce jeu. Il devrait y avoir -rêve utopique- une limite au nombre d'attaques successives des mêmes joueurs, un temps de récupération pour les joueurs, l'interdiction de certaines fonctions (on me parle d'alarme réveillant les joueurs non connectés en cas d'attaque) , bref une certaine régulation, un modus vivendi équitable. Mais c'est peut-être ça le jeu, finalement. Et comme je ne veux me miner ni le moral ni la santé ni la vraie vie, je pense qu'il serait mieux pour moi d'arrêter. Encore trop frais dans ce jeu, j'en ignore encore toutes les subtilités bien que je progresse cependant à chaque fois que j'y consacre du temps (trop maintenant). J'en ai parlé à des amis versés dans des études scientifiques (informatique-connectique-réseaux de neurones) et on pense à créer un jeu dans le monde antique, amélioré, débarrassé des inégalités de traitement entre les joueurs, plus équitable et hors de la domination sans partage de tyrans sanguinaires.
A moi les idées (le littéraire passionné) à eux le processus de réalisation. Mais peut-être est-ce une tâche trop ardue pour nous.
Pour l'instant je vais me rendre dans le jeu là où je l'ai laissé la veille, en priant que mes quelques villes ne se retrouvent pas anéanties en mon absence (et que dire quand je serai sur les pistes de fond pendant les vacances de Noël!).
Je retrouverai ceux de mon alliance qui me manqueront sûrement, le captain si vaillant, Quentin et roro, l'amoureux de la baie d'Along, la fée Morgane et toute la famille Addams. On ne se rencontrera sans doute jamais et c'est bien ainsi je crois. Je leur ai construit une apparence, des airs, des attitudes qu'ils n'ont probablement pas mais c'est ainsi qu'à travers leurs avatars je les vois et il en va certainement de même pour eux. Je les en remercierai le temps venu.
Merci enfin aux développeurs du jeu; puissiez-vous seulement l'améliorer assez pour laisser le temps à ceux qui y font les premiers pas de grandir un peu et de ne pas être rapidement dégoûté par les avanies du sort.
Voilà. J'en ai maintenant fini. J'espère que vous aurez toute la noblesse d'âme requise pour en excuser la longueur mais rassurez-vous: ce sera la dernière fois.
Pardon aussi si je n'ai pas choisi la bonne entrée pour ce message personnel. Je vais maintenant repartir sur mon bateau ivre, frêle esquif déhanché sur la crête des vagues, veuf de nocher, de timon et de rame. Ciao!