DeletedUser2461
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Histoire à méditer, tirée des Chroniques de Cythère.
Un soir à l’heure du crépuscule, Tyrias de Cretone, un opulent et renommé marchand d'étoffes, naviguait sur son bateau de transport en compagnie du vieux sage et ami, Créon de Jaramis. Ce dernier était son invité et profitait de la traversée pour rejoindre la petite ville située en amont du fleuve. Les deux compagnons étaient accoudés au bastingage et conversaient tout en admirant le paysage qui défilait lentement devant eux.
L’un des sujets abordés était la situation politique entre le royaume de Cretone gouverné par Manthé le jeune et la colonie étrangère fondée dans les environs depuis une décennie par le peuple de l’est. Cette cité grandissante était nouvellement administrée par le satrape Agapandès. On le disait obséquieux et c’était uniquement son attitude servile à l’égard de ses maitres qui l’avait amené au pouvoir. L’homme, bien que chef de guerre, s’était plutôt adonné au plaisir tout au long de sa carrière qu’au maniement des armes et à la stratégie militaire. Il ne bénéficiait pas d’autant d’estime auprès de son peuple qu’il le pensait et comptait sur son armée puissante pour accroître la richesse de la colonie. La tension entre les deux villes se faisait de plus en plus ressentir et chacune se préparait à la guerre.
Cela inquiétait fortement Tyrias.
Cretone avait toujours été une grande ville marchande ouverte sur le monde et si elle bénéficiait d’une force armée, celle-ci en revanche n’était pas aussi expérimentée que celle d’Agapandès. Nouvellement arrivé sur le trône, le jeune roi Manthé avait hérité de l’intelligence de sa mère et avait beaucoup d’ambition. Ses projets le portaient au-delà de la simple défense de sa ville car lui aussi rêvait de conquêtes et la colonie menaçante deviendrait le premier jalon vers la gloire.
" Je pense que Crotone n’a aucune chance de vaincre. Agapandès n’en fera qu’une seule bouchée et nous serons tous réduits en esclavage, se lamentait Tyrias.
Sur la rive, des moutons broutaient dans un pré. Curieusement, ils s’étaient disposés dans le même sens et arboraient le même profil.
Après un court silence, Créon dit à son ami :
- Que peux-tu me dire sur ces moutons que tu vois ?
- Je peux dire que le berger les a tous tondus ; c’est peut-être un peu trop tôt pour la saison mais j’avoue que je ne m’y entends pas.
- Oui. Ils semblent tondus…
- C’est évident qu’ils sont tondus ! Voyons, tu vois bien qu’ils n’ont plus de laine !
- Oui… je suis certain qu’ils sont tondus de ce côté. Mais toi, comment es-tu sûr qu’ils soient également tondus sur l’autre côté de leurs corps ? Tu ne peux pas le voir ; il te faudrait débarquer sur la berge et les contourner pour vérifier.
- En principe ; lorsqu’on tond un mouton, c’est entièrement !
Créon détourna son regard du pâturage et fixa son hôte.
- Peut-être... mais peut-être pas. Ce que je veux te dire, c’est qu’il ne faut pas aller vite en conclusion mon ami. Tu dis que le jeune Manthé n’a aucune chance contre l’armée d’Agapantès parce que tu te bases sur ce que tu vois et sur ce qui te semble évident. Ne sous-estime pas l’ambition et la fougue d’un homme.
- Mais sur le champ de bataille, ce sont les soldats qui combattent !
- Il existe un proverbe à Jaramis qui dit : une armée de lions gouvernée par un mouton ne peut vaincre une armée de moutons dirigée par un lion. Or, je vois en ton suzerain un jeune lion prêt à en démordre avec ses ennemis.
- Tes paroles me rassurent, mon ami. Je vais pouvoir m’endormir sereinement ce soir.
- Mais si tu n’y parviens pas… il ne te reste qu’à compter des moutons !
L’HISTOIRE DES MOUTONS
Un soir à l’heure du crépuscule, Tyrias de Cretone, un opulent et renommé marchand d'étoffes, naviguait sur son bateau de transport en compagnie du vieux sage et ami, Créon de Jaramis. Ce dernier était son invité et profitait de la traversée pour rejoindre la petite ville située en amont du fleuve. Les deux compagnons étaient accoudés au bastingage et conversaient tout en admirant le paysage qui défilait lentement devant eux.
L’un des sujets abordés était la situation politique entre le royaume de Cretone gouverné par Manthé le jeune et la colonie étrangère fondée dans les environs depuis une décennie par le peuple de l’est. Cette cité grandissante était nouvellement administrée par le satrape Agapandès. On le disait obséquieux et c’était uniquement son attitude servile à l’égard de ses maitres qui l’avait amené au pouvoir. L’homme, bien que chef de guerre, s’était plutôt adonné au plaisir tout au long de sa carrière qu’au maniement des armes et à la stratégie militaire. Il ne bénéficiait pas d’autant d’estime auprès de son peuple qu’il le pensait et comptait sur son armée puissante pour accroître la richesse de la colonie. La tension entre les deux villes se faisait de plus en plus ressentir et chacune se préparait à la guerre.
Cela inquiétait fortement Tyrias.
Cretone avait toujours été une grande ville marchande ouverte sur le monde et si elle bénéficiait d’une force armée, celle-ci en revanche n’était pas aussi expérimentée que celle d’Agapandès. Nouvellement arrivé sur le trône, le jeune roi Manthé avait hérité de l’intelligence de sa mère et avait beaucoup d’ambition. Ses projets le portaient au-delà de la simple défense de sa ville car lui aussi rêvait de conquêtes et la colonie menaçante deviendrait le premier jalon vers la gloire.
" Je pense que Crotone n’a aucune chance de vaincre. Agapandès n’en fera qu’une seule bouchée et nous serons tous réduits en esclavage, se lamentait Tyrias.
Sur la rive, des moutons broutaient dans un pré. Curieusement, ils s’étaient disposés dans le même sens et arboraient le même profil.
Après un court silence, Créon dit à son ami :
- Que peux-tu me dire sur ces moutons que tu vois ?
- Je peux dire que le berger les a tous tondus ; c’est peut-être un peu trop tôt pour la saison mais j’avoue que je ne m’y entends pas.
- Oui. Ils semblent tondus…
- C’est évident qu’ils sont tondus ! Voyons, tu vois bien qu’ils n’ont plus de laine !
- Oui… je suis certain qu’ils sont tondus de ce côté. Mais toi, comment es-tu sûr qu’ils soient également tondus sur l’autre côté de leurs corps ? Tu ne peux pas le voir ; il te faudrait débarquer sur la berge et les contourner pour vérifier.
- En principe ; lorsqu’on tond un mouton, c’est entièrement !
Créon détourna son regard du pâturage et fixa son hôte.
- Peut-être... mais peut-être pas. Ce que je veux te dire, c’est qu’il ne faut pas aller vite en conclusion mon ami. Tu dis que le jeune Manthé n’a aucune chance contre l’armée d’Agapantès parce que tu te bases sur ce que tu vois et sur ce qui te semble évident. Ne sous-estime pas l’ambition et la fougue d’un homme.
- Mais sur le champ de bataille, ce sont les soldats qui combattent !
- Il existe un proverbe à Jaramis qui dit : une armée de lions gouvernée par un mouton ne peut vaincre une armée de moutons dirigée par un lion. Or, je vois en ton suzerain un jeune lion prêt à en démordre avec ses ennemis.
- Tes paroles me rassurent, mon ami. Je vais pouvoir m’endormir sereinement ce soir.
- Mais si tu n’y parviens pas… il ne te reste qu’à compter des moutons !
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