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LA POURSUITE NUAGEUSE
[SPR]…ne jamais y arriver. Elthalion avait l’impression que cette histoire durait depuis des lustres, pire, que tout ce qu’il avait vécu avant son entrée dans le labyrinthe n’était qu’un rêve. Alors que depuis l’emprisonnement du roi, combien de temps s’était il écoulé ? Deux ou trois semaines subjectives au plus. Il était surtout fatigué d’être bringuebalé d’un complot à l’autre. N’y avait il nulle part en ce monde de gens simples, sans arrière pensée, aux motifs clairs, sans triple-jeu derrière toute action, et surtout, qui les aideraient spontanément ?
Visiblement non.
Ils campaient dans une forêt, se reposaient entre deux voyage, le roi et la reine discutaient entre eux. Elthalion aurait bien voulu s’endormir, hélas, la reine pour parler était bien contrainte d’user sa bouche. De même que pour embrasser le roi d’ailleurs. Cela ne semblait déranger ni l’un ni l’autre d’utiliser un corps qui ne leur appartenait pas pour ça. Ils avaient heureusement eu la décence jusqu’à présent de ne pas aller au-delà du baiser.
__ Nous voyions en l’empereur-Dragon la seule menace d’envergure, disait la reine. Les cités de Falaï nous avaient été présentées comme puissantes, mais seulement une fois unies, nous n’avions aucune idée de ce qu’il en était réellement. Il s’avère en définitive que le Dieu doré risque d’être un adversaire aussi redoutable que l’empereur-Dragon. Quant au Syrménon, s’il semble nous avoir aidé, il doit avoir lui aussi ses propres arrières pensées. Nous allons devoir faire preuve de beaucoup de prudence lors de nos prochaines rencontres.
__ Je nous croyais assez forts pour affronter n’importe qui, grommelait le roi qui sans son casque perdait beaucoup de sa superbe, ressemblait simplement à un adolescent bougon. J’ai fais montre de trop d’arrogance. Tu as raison mon amour, nous allons devoir être davantage sur nos gardes. Demain nous atteindrons Shive. L’accueil qui nous sera réservé nous avertira immédiatement de quel genre d’intérêt on nous porte. En attendant, reposons nous. Nous avons besoin de toutes nos capacités pour faire face à ces nouveaux dangers.
Elthalion ne put que saluer la bienveillance de son illustre roi. Ils dormirent fort heureusement, chacun dans leur couche.
Ainsi parvinrent ils au matin, devant la quatrième cité de Falaï, Shive. Ils ne comprirent pas tout de suite où elle se trouvait exactement. Un panneau annonçait avec une fierté qui leur sembla pour le coup déplacée qu’ils se trouvaient bien face à Shive, mais devant eux, nulle ville.
Seulement un volcan. Et un volcan bien particulier, car au lieu de se gorger de souffre et d’expulser de la lave, il vomissait de l’air. On disait de lui qu’il était la source du vent, que tous les vents du monde naissaient en sa gueule béante. Cela semblait légèrement exagéré.
On pouvait s’amuser à sauter dans le volcan. On était alors propulsé par le jet d’air continu et connaissait la joie de léviter à plusieurs centaines de mètres du sol. Hélas, le seul destin qui nous attendait alors était la mort : soit par soif, soit en sortant du champ du volcan, s’écrasant par terre. Car il n’y avait pas d’autre moyen de se tirer du volcan une fois dans les airs. La plaine alentour était ainsi jonchée de squelettes brisés et de cadavres plus récents, des malheureux qui avaient appris malgré eux à voler, très brièvement.
Tout autour du volcan, on trouvait sinon des corps broyés, des ancres. Curieux spectacle que ces centaines d’ancres énormes, pesant chacune plusieurs tonnes, posées en pleine terre, loin de la mer. Elles étaient chacune reliée à une chaine qui tendait droit vers les nuages. Et pour cause !
Car, surfant sur le coussin d’air que formait le volcan, maintenue au sol par ces centaines d’attaches, Shive était une cité céleste faite de bois, d’osier, et de tissus, pleine de voiles, de ballons multicolores et de fanions. Des trous dans le premier plancher laissaient passer l’air expulsé par le volcan et permettait une sorte d’ascenseur très doux. Les habitants avaient appris à dompter l’air et le détournaient pour qu’il sorte par certains tuyaux horizontalement, de telle sorte qu’il pousse de petits chars à voile, moyen de transport rapide pour traverser la cité. On accédait à la ville en grimpant dans un dirigeable.
Les habitants étaient vêtus chaudement, car il faisait froid à une telle altitude. Leurs vêtements étaient bien particuliers. C’étaient des robes molletonnées une pièce, serrées au cou, aux poignets, aux hanches et aux talons, pour empêcher l’air de s’y infiltrer et de les gonfler. Une pièce de tissu en quart de cercle rejoignait les mains et les pieds, formait ainsi des ailes une fois qu’ils écartaient les bras. Ils pouvaient alors se lancer dans les courants d’air et voler comme des oiseaux, se diriger selon leur bon plaisir, tant qu’ils restaient dans le champ d’air du volcan. Ils portaient tous des bonnets ronds dans lesquels ils emprisonnaient leurs cheveux pour ne pas que ceux-ci se décoiffent.
Il se dégageait de cette cité une vive impression de liberté. Mais aussi un grand mépris, envers ceux qui n’en étaient pas originaires et ne savaient pas voler. Ce fut peut être en manifestation de ce mépris que le roi Minotaure ne fut pas reçu avec autant d’attention que pour les fois précédentes. A dire vrai, il ne fut pas reçu du tout.
Tandis qu’ils attendaient de trouver quelqu’un pour les mener aux chefs de la cité, Elthalion grelotait. Ses vêtements étaient taillés pour le climat de leur pays, pas pour celui-ci. Il avait eu trop chaud à Oriatia, et trop froid ici. La reine bien sûr ne sentait rien, elle était bien confortablement assise dans sa tête. Le roi quant à lui, avec son corps insensible de minotaure, faisait fi des changements de climats en demeurant presque nu. Elthalion et la reine lui avaient fait remarquer que ce n’était pas l’accoutrement d’un roi, mais ce dernier avait été catégorique. Sans doute la nature du minotaure qui était en lui répugnait à trop s’habiller.
Elthalion ne parvenait pas à envier les Shivites. Certes ils pouvaient voler – et combien il en avait rêvé ! Mais ils avaient conçu une telle aversion pour le sol que la majorité d’entre eux ni étaient jamais descendus. Pour eux, le monde n’était qu’un paysage lointain étalé comme une carte. Et puis, le tressage d’osier qui servait lieu de plancher lui paraissait un bien mince rempart entre le sol et lui. Il y avait certes le volcan mais ce n’était pas pour le rassurer. Il ne savait pas voler, lui.
Après des tractations ardues avec un homme au double bonnet rond rouge, le roi parvint à se faire mener à l’Airmestre Heifara. Ils pénétrèrent dans un gigantesque ballon qui dominait la ville. Il était entouré d’un grand trou dans le plancher d’osier, de telle sorte que les courants d’air y étaient puissants. C’était là que tous ceux qui voulaient s’amuser se rendaient, et rivalisaient en pirouettes aériennes pour impressionner la galerie. La nacelle du ballon au centre, grosse comme un galion, était pourvue de fenêtres rondes en son pourtour, permettant de ne rien manquer du spectacle permanent. Elthalion remarqua qu’on avait aussi une vue magnifique sur la ville et toute la région qui s’étendait en contrebas. Impossible de s’approcher du volcan sans être repéré, sauf en pleine brume.
L’Airmestre Heifara était un grand bonhomme très fin portant le même genre de robe que les autres Shivites mais en plus riche, et avec un bonnet à trois ronds bleu. Elthalion ignorait si la taille, la forme et la couleur des bonnets donnaient une indication sur la hiérarchie sociale. En tout cas, ils en donnaient sur le goût des habitants, car ils étaient franchement hideux. En comparaison, les citoyens d’Irmine étaient tous vêtus avec bien plus de style.
L’Airmestre n’avait pas l’air franchement heureux de les voir non plus, d’où visiblement sa réticence à les rencontrer.
__ Seigneur des Labyrinthes, dit-il d’une voix caverneuse, tout le monde ne parle plus que de vous. J’entends par là, tous les chuchoteurs, les comploteurs et les marchandeurs de volonté. Vous trainez dans votre sillage un nuage d’espions, de profiteurs en tout genre et d’assassins. Vous n’avez pas idée je suppose, du nombre de gens qui sont morts depuis votre entrée à Oriatia.
Il souleva un sourcil fin et accusateur. Ses yeux étroits et froids étaient plein de mépris.
__ N’est ce pas ? Aucune idée du chaos que vous avez engendré par votre seule venue. On surnomme les cités de Falaï, les cités « querelleuses » et c’est bien vrai. Il surgit toujours à un moment ou un autre un sujet de discorde, prétexte à de nouvelles guerres. Cela faisait trente ans que nous vivions dans une paix bienvenue. Même la menace d’Indrianée n’avait pas réussi à la briser. Mais vous soulevez bien des convoitises.
C’était là pour le moins une entrée en la matière violente. Le roi accusa rapidement le coup.
__ C’est ce que j’ai cru comprendre, intervint le roi, et vous me voyez navré si je vous ai causé quelque tracas, là ne fut jamais mon intention, ni mon intérêt. Quant à tous ces morts que vous me narrez, j’avoue demeurer perplexe, je n’en ai vu aucun.
__ Tout cela se joue dans l’ombre, seigneur des Labyrinthes. Les espions d’une dizaine de nations sont sur vos traces, certaines ne demeurant même pas sur ce continent, sans compter les agents de chaque seigneur, chaque grand noble, tous les riches marchands, qui flairent le bon coup. Pour affaiblir le rival, et garder la prépondérance de l’information, les espions s’entretuent. Des assassins sont lancés pour les tuer, et d’autres assassins dépêchés pour tuer les assassins. Certains assassins ont même pour mission de vous tuer, vous seigneur des Labyrinthes, par peur du chaos total que vous êtes en train d’engendrer et qui ne peut aller qu’en empirant. Je vous avouerais en avoir lancé moi-même plusieurs pour cette tâche, ainsi que le Lumineux de Selvition. Mais le Dieu doré d’Oriatia et le Syrménon d’Irmine ont cœur à vous garder en vie.
Il avait remarqué le geste d’Elthalion vers son épée. Il y réagit par une moue de dégoût.
__ Rassurez vous, j’ai renoncé à débarrasser le monde de votre présence. Vos protecteurs me le feraient payer bien trop cher, si je leur ôtais leur jouet. Je préfère la voie de la diplomatie, aussi vous prévins je sur le champ : partez ! D’où que vous veniez, retournez y au plus tôt, maintenant ! Quittez Falaï, qui n’a que faire de votre quête risible contre l’empereur-Dragon.
__ Pourquoi ne craignez vous pas l’empereur-Dragon ? demanda la reine par l’intermédiaire d’Elthalion. Il pourrait pourtant brûler votre cité de toile aussi rapidement que l’on souffle une bougie. Vous êtes les seuls à lui disputer le ciel où il est partout ailleurs maitre.
__ Il faudrait déjà qu’il arrive à battre des ailes aussi haut, rétorqua d’un ton cassant l’Airmestre. Et il serait bien incapable de transporter ses soldats uns à uns sur son dos jusqu’ici. Quand bien même, il nous suffirait de couper les amarres et de nous envoler jusqu’à la Lune. Non, nous ne craignons pas le terrible dragon.
__ Je vous remercie de nous avoir reçu, grinça le roi Minotaure. Nous réfléchirons à votre mise en garde.
__ Vous feriez mieux en effet, claqua Heifara en leur désignant la sortie. J’en ai assez de nourrir dans ma cité les cohortes d’espions et d’assassins qui attendaient votre venue depuis des jours.
Ils quittèrent le ballon. Le Syrménon d’Irmine avait au moins dit vrai sur deux choses : beaucoup de gens s’intéressaient à eux, et peu les accueilleraient avec autant de politesse que lui. Elthalion regardait les gens qui l’entouraient avec un œil nouveau. Il tentait de percer à jour les déguisements, de repérer les espions et les assassins. Dire qu’il ne s’en était même pas douté ! Ils pensaient bien que quelques espions les suivraient pour renseigner les seigneurs des cités, mais autant ! Certains venaient même d’un autre continent ! Incroyable, comment l’information avait elle pu circuler d’aussi loin ? Il découvrait vraiment que le monde était plus grand qu’il ne l’aurait imaginé, et oh combien plus tortueux.
La cité volante lui apparaissait comme un piège terrible désormais. Il n’y avait pas de meilleur endroit pour les éliminer. Il suffisait de les pousser dans le vide.
Comme ils concevaient ces angoisses, elles semblèrent prendre consistance. Le roi perçu une perturbation dans l’onirisme. Quelque chose d’étrange approchait, particulier et menaçant. Il se retourna.
Il y avait un homme en face de lui. Grand et osseux, il était vêtu comme un Shivite, avec robe brune et chapeau rond simple. Il avait la bouche entrouverte. Il semblait murmurer quelque chose. Son regard était braqué sur le roi, exprimait une sorte de profonde fascination.
__ Aaah, fit l’individu. Hum.
__ Ecartez vous, cria le roi à Elthalion en se plaçant devant lui comme bouclier.
Le capitaine voulut protester car c’était son rôle à lui de protéger le roi, puis il comprit que c’était la reine dans sa tête que le roi voulait préserver.
L’homme fit un pas en avant. Son regard vacilla et se fit soudain sérieux. Il se ramassa brusquement sur lui-même et évita ainsi un carreau d’arbalète qui l’aurait décapité. Celui-ci traversa carrément le plancher d’osier et l’air surgit du trou en sifflant. Avec une vitesse et une souplesse de guépard, l’homme traversa le court espace qui le séparait d’une maison et disparu à l’intérieur. Il y eut des bruits de combat dont tous ne semblaient pas physiques. L’air vibrait.
En réalité, la structure même de l’univers aux environs de l’individu se déformait. C’est ce qui avait tant inquiété le roi. L’homme était comme un trou noir, il aspirait non la matière mais l’imaginaire qui se trouvait à portée. Il était entouré d’une aura de flou, telles les vapeurs du Soleil dans un désert brulant.
Elthalion aussi l’avait remarqué. Il ignorait quel genre de créature pouvait être cet homme, mais il doutait sérieusement de son humanité. Il en avait une peur instinctive, animale. Etait ce type d’assassins qu’on avait envoyé contre eux ?
L’homme déchira la toile de lin qui servait lieu de mur à la maison. Il roula sur lui-même et se rétablit quelques mètres plus loin. Il ne prêtait aucune attention au roi et à Elthalion, comme s’ils étaient quantité négligeable. Toute sa perception était tournée vers la maison. Elthalion et le roi avaient sorti leur épée. Qu’allait il surgir de la maison ?
D’autres carreaux d’arbalètes vrillèrent l’air. De la brume noire filtra de la peau de l’homme étrange et les avala. Des projectiles divers continuèrent de pleuvoir sur lui ; couteaux de lancée, boules de piques, fléchettes empoisonnées et milles choses dont Elthalion n’aurait même pas pu concevoir l’existence. Le nuage obscur qui émanait de l’homme s’épaissit et s’agrandit pour les avaler toutes.
Puis quelque chose explosa à ses pieds. L’homme et sa vapeur furent avalés par le sol, dont le plancher avait été déchiré. Elthalion n’avait pas eu le temps d’agir et encore moins de comprendre ce qui s’était passé. Tout s’était déroulé bien trop vite.
Un autre homme sorti de la maison. Il avait le teint excessivement bronzé, ce qui l’excluait comme habitant de Shive, bien qu’il en portât les vêtements traditionnels. Il souri et fit un geste d’apaisement en direction d’eux.
__ Du calme, seigneur des Labyrinthes, je suis de votre coté.
Il avait un drôle d’accent.
__ Vous faites partie des assassins chargés de notre « protection », déduit le roi avec méfiance.
__ En effet, ah ! telle est ma mission, ria l’homme. Je ne suis pas censé vous parler, cependant pour la mener au mieux il m’a semblé nécessaire de vous mettre en garde.
__ Les gens ces derniers jours ont passé leur temps à nous mettre en garde contre mille et un dangers, répliqua Elthalion d’un ton dur.
__ Fort bien ! c’est une sacrée bonne chose, un homme averti au vaut deux comme on dit.
__ Qu’était cette créature ? demanda le roi en désignant le trou d’air vibrant.
__ Sans aucun doute le pire de tous vos poursuivants. C’est le Dévoreur, un être que je poursuis moi-même depuis longtemps et de très loin. C’est une créature sans rêve qui se nourrit de l’imaginaire des autres. Un vampire onirique si vous voulez, un vampirique. Oh ! il n’est pas mort, même après une telle chute, s’il n’est pas increvable il fait preuve de capacités de résistances foudroyantes.
__ Qui vous envoi ? demanda le roi.
__ Cela, je ne peux pas le dire, s’esclaffa l’assassin étranger. Mais ne vous inquiétez pas, je suis parmi les meilleurs de mon domaine. Oh, je conviens que le combat que vous venez de voir était un tantinet tape à l’œil. Mais face au Dévoreur, on ne peut pas faire dans la dentelle. J’ai éliminé d’autres poursuiveurs de façon bien plus discrète.
Il sourit de satisfaction, comme s’il attendait des remerciements ou congratulations.
__ Il y a d’autres personnes chargées de notre « protection » ?
__ Oui mais j’en ai tué certains, ne m’en voulez pas. On n’est jamais sûr de leur ordre de mission. Ils peuvent vouloir vous protéger un moment et vous tuer à un autre. Alors autant les tuer tout de suite.
__ Ou bien ils pourraient vouloir nous protéger tout le temps ce qui vous empêcherait de nous tuer au moment propice, répliqua la reine d’un ton acerbe.
__ Ah oui ? Non, rassurez vous, croyez moi ou pas c’est votre vie ! mais je n’ai pas pour ordre de vous tuer, bien au contraire, j’ai la mission expresse de vous garder en vie. Cependant, ne trainons pas trop ici, voulez vous, comme vous l’avez constaté ce stupide plancher se trou très facilement, quelle idée de le faire en osier. J’ai préparé à votre intention un petit dirigeable qui vous ramènera sur le digne plancher des vaches – les pauvres passeraient au travers de celui-ci. Et pour empêcher la petite centaine d’individus en tout genre – monstres compris – lancés à vos trousses et qui sont planqués dans cette ville, je vais organiser une diversion. Vous devriez avoir le temps d’atteindre votre objectif suivant sans encombre, quel qu’il soit. Je vous rejoindrais plus tard.
__ Le Dévoreur est déjà en bas, rappela Elthalion.
__ Bien vrai ! convint l’assassin. Toute gelée brumeuse de cauchemar qu’il est, il lui faudra cependant quelques heures avant de se remettre de ses émotions. Il massacrera quelques paysans ou pauvres voyageurs pour la peine, oubliera ce qu’il faisait avant cela et le temps qu’il s’en souvienne vous serez loin. Restez toutefois attentifs aux déformations dans l’onirisme qu’il projette. Dès que vous en sentez une, courrez ! Fuyez aussi loin que possible. Un Dévoreur ne se combat pas sans être sérieusement entrainé.
__ Vous semblez avoir une dent particulière contre lui, dit Elthalion qui commençait à le trouver sympathique.
__ Le pays d’où je viens et qui se situe au-delà de l’océan n’est plus qu’une terre sans rêve plongée dans la folie. Conséquence du passage du Grand Dévoreur, le plus puissant des vampiriques. Ceux qui ont survis à la folie se sont fait comme moi un devoir d’en débarrasser le monde. Maintenant, partez !
Il les escorta jusqu’au petit ballon quatre places qu’il avait caché derrière un entrepôt. Une fois dedans, il poussa le ballon qui surfa un moment grâce à ses ailes et ses voiles sur un courant d’air. Ils n’avaient aucune idée de comment la chose se manœuvrait, aussi se laissèrent ils portés par le vent. Ils volaient ! Mais Elthalion ne parvenait pas à en ressentir de la joie. L’angoisse de la chute lui tenaillait le ventre. Il guettait le sol à la recherche de la masse noire terrible du vampirique. Ils étaient déjà bien loin de Shive quand ils comprirent ce que leur protecteur attitré entendait par « faire diversion ».
Shive brulait. Cité de toile et de bois léger, le feu y était proscrit. On combattait les incendies par une violente bourrasque de vent projetée via des tubes prévus à cet effet et qui soufflait les flammes. Mais ce ne semblait pas suffisant pour éteindre l’incendie qui ravageait la cité.
Une explosion mauve secoua la ville. Un ballon plein d’un gaz étrange avait été dévoré par les flammes. Des cris horribles se propageaient là bas. Sans aucun doute, le nombre de leurs poursuivants tomberait drastiquement. [/SPR]
Se rapprocherait on du dénouement ? En théorie, plus que 4 chapitres ^^
Trouveront ils enfin des alliés pour les aider dans leur quête ? Ou n'iront ils que d'ennemis en ennemis ? Le roi Minotaure prendra t-il enfin conscience de l'énorme pouvoir dont il dispose ? Tout ceci vous le découvrirez dans le prochain chapitre : la cité labyrinthique... après 5 commentaires
[SPR]…ne jamais y arriver. Elthalion avait l’impression que cette histoire durait depuis des lustres, pire, que tout ce qu’il avait vécu avant son entrée dans le labyrinthe n’était qu’un rêve. Alors que depuis l’emprisonnement du roi, combien de temps s’était il écoulé ? Deux ou trois semaines subjectives au plus. Il était surtout fatigué d’être bringuebalé d’un complot à l’autre. N’y avait il nulle part en ce monde de gens simples, sans arrière pensée, aux motifs clairs, sans triple-jeu derrière toute action, et surtout, qui les aideraient spontanément ?
Visiblement non.
Ils campaient dans une forêt, se reposaient entre deux voyage, le roi et la reine discutaient entre eux. Elthalion aurait bien voulu s’endormir, hélas, la reine pour parler était bien contrainte d’user sa bouche. De même que pour embrasser le roi d’ailleurs. Cela ne semblait déranger ni l’un ni l’autre d’utiliser un corps qui ne leur appartenait pas pour ça. Ils avaient heureusement eu la décence jusqu’à présent de ne pas aller au-delà du baiser.
__ Nous voyions en l’empereur-Dragon la seule menace d’envergure, disait la reine. Les cités de Falaï nous avaient été présentées comme puissantes, mais seulement une fois unies, nous n’avions aucune idée de ce qu’il en était réellement. Il s’avère en définitive que le Dieu doré risque d’être un adversaire aussi redoutable que l’empereur-Dragon. Quant au Syrménon, s’il semble nous avoir aidé, il doit avoir lui aussi ses propres arrières pensées. Nous allons devoir faire preuve de beaucoup de prudence lors de nos prochaines rencontres.
__ Je nous croyais assez forts pour affronter n’importe qui, grommelait le roi qui sans son casque perdait beaucoup de sa superbe, ressemblait simplement à un adolescent bougon. J’ai fais montre de trop d’arrogance. Tu as raison mon amour, nous allons devoir être davantage sur nos gardes. Demain nous atteindrons Shive. L’accueil qui nous sera réservé nous avertira immédiatement de quel genre d’intérêt on nous porte. En attendant, reposons nous. Nous avons besoin de toutes nos capacités pour faire face à ces nouveaux dangers.
Elthalion ne put que saluer la bienveillance de son illustre roi. Ils dormirent fort heureusement, chacun dans leur couche.
Ainsi parvinrent ils au matin, devant la quatrième cité de Falaï, Shive. Ils ne comprirent pas tout de suite où elle se trouvait exactement. Un panneau annonçait avec une fierté qui leur sembla pour le coup déplacée qu’ils se trouvaient bien face à Shive, mais devant eux, nulle ville.
Seulement un volcan. Et un volcan bien particulier, car au lieu de se gorger de souffre et d’expulser de la lave, il vomissait de l’air. On disait de lui qu’il était la source du vent, que tous les vents du monde naissaient en sa gueule béante. Cela semblait légèrement exagéré.
On pouvait s’amuser à sauter dans le volcan. On était alors propulsé par le jet d’air continu et connaissait la joie de léviter à plusieurs centaines de mètres du sol. Hélas, le seul destin qui nous attendait alors était la mort : soit par soif, soit en sortant du champ du volcan, s’écrasant par terre. Car il n’y avait pas d’autre moyen de se tirer du volcan une fois dans les airs. La plaine alentour était ainsi jonchée de squelettes brisés et de cadavres plus récents, des malheureux qui avaient appris malgré eux à voler, très brièvement.
Tout autour du volcan, on trouvait sinon des corps broyés, des ancres. Curieux spectacle que ces centaines d’ancres énormes, pesant chacune plusieurs tonnes, posées en pleine terre, loin de la mer. Elles étaient chacune reliée à une chaine qui tendait droit vers les nuages. Et pour cause !
Car, surfant sur le coussin d’air que formait le volcan, maintenue au sol par ces centaines d’attaches, Shive était une cité céleste faite de bois, d’osier, et de tissus, pleine de voiles, de ballons multicolores et de fanions. Des trous dans le premier plancher laissaient passer l’air expulsé par le volcan et permettait une sorte d’ascenseur très doux. Les habitants avaient appris à dompter l’air et le détournaient pour qu’il sorte par certains tuyaux horizontalement, de telle sorte qu’il pousse de petits chars à voile, moyen de transport rapide pour traverser la cité. On accédait à la ville en grimpant dans un dirigeable.
Les habitants étaient vêtus chaudement, car il faisait froid à une telle altitude. Leurs vêtements étaient bien particuliers. C’étaient des robes molletonnées une pièce, serrées au cou, aux poignets, aux hanches et aux talons, pour empêcher l’air de s’y infiltrer et de les gonfler. Une pièce de tissu en quart de cercle rejoignait les mains et les pieds, formait ainsi des ailes une fois qu’ils écartaient les bras. Ils pouvaient alors se lancer dans les courants d’air et voler comme des oiseaux, se diriger selon leur bon plaisir, tant qu’ils restaient dans le champ d’air du volcan. Ils portaient tous des bonnets ronds dans lesquels ils emprisonnaient leurs cheveux pour ne pas que ceux-ci se décoiffent.
Il se dégageait de cette cité une vive impression de liberté. Mais aussi un grand mépris, envers ceux qui n’en étaient pas originaires et ne savaient pas voler. Ce fut peut être en manifestation de ce mépris que le roi Minotaure ne fut pas reçu avec autant d’attention que pour les fois précédentes. A dire vrai, il ne fut pas reçu du tout.
Tandis qu’ils attendaient de trouver quelqu’un pour les mener aux chefs de la cité, Elthalion grelotait. Ses vêtements étaient taillés pour le climat de leur pays, pas pour celui-ci. Il avait eu trop chaud à Oriatia, et trop froid ici. La reine bien sûr ne sentait rien, elle était bien confortablement assise dans sa tête. Le roi quant à lui, avec son corps insensible de minotaure, faisait fi des changements de climats en demeurant presque nu. Elthalion et la reine lui avaient fait remarquer que ce n’était pas l’accoutrement d’un roi, mais ce dernier avait été catégorique. Sans doute la nature du minotaure qui était en lui répugnait à trop s’habiller.
Elthalion ne parvenait pas à envier les Shivites. Certes ils pouvaient voler – et combien il en avait rêvé ! Mais ils avaient conçu une telle aversion pour le sol que la majorité d’entre eux ni étaient jamais descendus. Pour eux, le monde n’était qu’un paysage lointain étalé comme une carte. Et puis, le tressage d’osier qui servait lieu de plancher lui paraissait un bien mince rempart entre le sol et lui. Il y avait certes le volcan mais ce n’était pas pour le rassurer. Il ne savait pas voler, lui.
Après des tractations ardues avec un homme au double bonnet rond rouge, le roi parvint à se faire mener à l’Airmestre Heifara. Ils pénétrèrent dans un gigantesque ballon qui dominait la ville. Il était entouré d’un grand trou dans le plancher d’osier, de telle sorte que les courants d’air y étaient puissants. C’était là que tous ceux qui voulaient s’amuser se rendaient, et rivalisaient en pirouettes aériennes pour impressionner la galerie. La nacelle du ballon au centre, grosse comme un galion, était pourvue de fenêtres rondes en son pourtour, permettant de ne rien manquer du spectacle permanent. Elthalion remarqua qu’on avait aussi une vue magnifique sur la ville et toute la région qui s’étendait en contrebas. Impossible de s’approcher du volcan sans être repéré, sauf en pleine brume.
L’Airmestre Heifara était un grand bonhomme très fin portant le même genre de robe que les autres Shivites mais en plus riche, et avec un bonnet à trois ronds bleu. Elthalion ignorait si la taille, la forme et la couleur des bonnets donnaient une indication sur la hiérarchie sociale. En tout cas, ils en donnaient sur le goût des habitants, car ils étaient franchement hideux. En comparaison, les citoyens d’Irmine étaient tous vêtus avec bien plus de style.
L’Airmestre n’avait pas l’air franchement heureux de les voir non plus, d’où visiblement sa réticence à les rencontrer.
__ Seigneur des Labyrinthes, dit-il d’une voix caverneuse, tout le monde ne parle plus que de vous. J’entends par là, tous les chuchoteurs, les comploteurs et les marchandeurs de volonté. Vous trainez dans votre sillage un nuage d’espions, de profiteurs en tout genre et d’assassins. Vous n’avez pas idée je suppose, du nombre de gens qui sont morts depuis votre entrée à Oriatia.
Il souleva un sourcil fin et accusateur. Ses yeux étroits et froids étaient plein de mépris.
__ N’est ce pas ? Aucune idée du chaos que vous avez engendré par votre seule venue. On surnomme les cités de Falaï, les cités « querelleuses » et c’est bien vrai. Il surgit toujours à un moment ou un autre un sujet de discorde, prétexte à de nouvelles guerres. Cela faisait trente ans que nous vivions dans une paix bienvenue. Même la menace d’Indrianée n’avait pas réussi à la briser. Mais vous soulevez bien des convoitises.
C’était là pour le moins une entrée en la matière violente. Le roi accusa rapidement le coup.
__ C’est ce que j’ai cru comprendre, intervint le roi, et vous me voyez navré si je vous ai causé quelque tracas, là ne fut jamais mon intention, ni mon intérêt. Quant à tous ces morts que vous me narrez, j’avoue demeurer perplexe, je n’en ai vu aucun.
__ Tout cela se joue dans l’ombre, seigneur des Labyrinthes. Les espions d’une dizaine de nations sont sur vos traces, certaines ne demeurant même pas sur ce continent, sans compter les agents de chaque seigneur, chaque grand noble, tous les riches marchands, qui flairent le bon coup. Pour affaiblir le rival, et garder la prépondérance de l’information, les espions s’entretuent. Des assassins sont lancés pour les tuer, et d’autres assassins dépêchés pour tuer les assassins. Certains assassins ont même pour mission de vous tuer, vous seigneur des Labyrinthes, par peur du chaos total que vous êtes en train d’engendrer et qui ne peut aller qu’en empirant. Je vous avouerais en avoir lancé moi-même plusieurs pour cette tâche, ainsi que le Lumineux de Selvition. Mais le Dieu doré d’Oriatia et le Syrménon d’Irmine ont cœur à vous garder en vie.
Il avait remarqué le geste d’Elthalion vers son épée. Il y réagit par une moue de dégoût.
__ Rassurez vous, j’ai renoncé à débarrasser le monde de votre présence. Vos protecteurs me le feraient payer bien trop cher, si je leur ôtais leur jouet. Je préfère la voie de la diplomatie, aussi vous prévins je sur le champ : partez ! D’où que vous veniez, retournez y au plus tôt, maintenant ! Quittez Falaï, qui n’a que faire de votre quête risible contre l’empereur-Dragon.
__ Pourquoi ne craignez vous pas l’empereur-Dragon ? demanda la reine par l’intermédiaire d’Elthalion. Il pourrait pourtant brûler votre cité de toile aussi rapidement que l’on souffle une bougie. Vous êtes les seuls à lui disputer le ciel où il est partout ailleurs maitre.
__ Il faudrait déjà qu’il arrive à battre des ailes aussi haut, rétorqua d’un ton cassant l’Airmestre. Et il serait bien incapable de transporter ses soldats uns à uns sur son dos jusqu’ici. Quand bien même, il nous suffirait de couper les amarres et de nous envoler jusqu’à la Lune. Non, nous ne craignons pas le terrible dragon.
__ Je vous remercie de nous avoir reçu, grinça le roi Minotaure. Nous réfléchirons à votre mise en garde.
__ Vous feriez mieux en effet, claqua Heifara en leur désignant la sortie. J’en ai assez de nourrir dans ma cité les cohortes d’espions et d’assassins qui attendaient votre venue depuis des jours.
Ils quittèrent le ballon. Le Syrménon d’Irmine avait au moins dit vrai sur deux choses : beaucoup de gens s’intéressaient à eux, et peu les accueilleraient avec autant de politesse que lui. Elthalion regardait les gens qui l’entouraient avec un œil nouveau. Il tentait de percer à jour les déguisements, de repérer les espions et les assassins. Dire qu’il ne s’en était même pas douté ! Ils pensaient bien que quelques espions les suivraient pour renseigner les seigneurs des cités, mais autant ! Certains venaient même d’un autre continent ! Incroyable, comment l’information avait elle pu circuler d’aussi loin ? Il découvrait vraiment que le monde était plus grand qu’il ne l’aurait imaginé, et oh combien plus tortueux.
La cité volante lui apparaissait comme un piège terrible désormais. Il n’y avait pas de meilleur endroit pour les éliminer. Il suffisait de les pousser dans le vide.
Comme ils concevaient ces angoisses, elles semblèrent prendre consistance. Le roi perçu une perturbation dans l’onirisme. Quelque chose d’étrange approchait, particulier et menaçant. Il se retourna.
Il y avait un homme en face de lui. Grand et osseux, il était vêtu comme un Shivite, avec robe brune et chapeau rond simple. Il avait la bouche entrouverte. Il semblait murmurer quelque chose. Son regard était braqué sur le roi, exprimait une sorte de profonde fascination.
__ Aaah, fit l’individu. Hum.
__ Ecartez vous, cria le roi à Elthalion en se plaçant devant lui comme bouclier.
Le capitaine voulut protester car c’était son rôle à lui de protéger le roi, puis il comprit que c’était la reine dans sa tête que le roi voulait préserver.
L’homme fit un pas en avant. Son regard vacilla et se fit soudain sérieux. Il se ramassa brusquement sur lui-même et évita ainsi un carreau d’arbalète qui l’aurait décapité. Celui-ci traversa carrément le plancher d’osier et l’air surgit du trou en sifflant. Avec une vitesse et une souplesse de guépard, l’homme traversa le court espace qui le séparait d’une maison et disparu à l’intérieur. Il y eut des bruits de combat dont tous ne semblaient pas physiques. L’air vibrait.
En réalité, la structure même de l’univers aux environs de l’individu se déformait. C’est ce qui avait tant inquiété le roi. L’homme était comme un trou noir, il aspirait non la matière mais l’imaginaire qui se trouvait à portée. Il était entouré d’une aura de flou, telles les vapeurs du Soleil dans un désert brulant.
Elthalion aussi l’avait remarqué. Il ignorait quel genre de créature pouvait être cet homme, mais il doutait sérieusement de son humanité. Il en avait une peur instinctive, animale. Etait ce type d’assassins qu’on avait envoyé contre eux ?
L’homme déchira la toile de lin qui servait lieu de mur à la maison. Il roula sur lui-même et se rétablit quelques mètres plus loin. Il ne prêtait aucune attention au roi et à Elthalion, comme s’ils étaient quantité négligeable. Toute sa perception était tournée vers la maison. Elthalion et le roi avaient sorti leur épée. Qu’allait il surgir de la maison ?
D’autres carreaux d’arbalètes vrillèrent l’air. De la brume noire filtra de la peau de l’homme étrange et les avala. Des projectiles divers continuèrent de pleuvoir sur lui ; couteaux de lancée, boules de piques, fléchettes empoisonnées et milles choses dont Elthalion n’aurait même pas pu concevoir l’existence. Le nuage obscur qui émanait de l’homme s’épaissit et s’agrandit pour les avaler toutes.
Puis quelque chose explosa à ses pieds. L’homme et sa vapeur furent avalés par le sol, dont le plancher avait été déchiré. Elthalion n’avait pas eu le temps d’agir et encore moins de comprendre ce qui s’était passé. Tout s’était déroulé bien trop vite.
Un autre homme sorti de la maison. Il avait le teint excessivement bronzé, ce qui l’excluait comme habitant de Shive, bien qu’il en portât les vêtements traditionnels. Il souri et fit un geste d’apaisement en direction d’eux.
__ Du calme, seigneur des Labyrinthes, je suis de votre coté.
Il avait un drôle d’accent.
__ Vous faites partie des assassins chargés de notre « protection », déduit le roi avec méfiance.
__ En effet, ah ! telle est ma mission, ria l’homme. Je ne suis pas censé vous parler, cependant pour la mener au mieux il m’a semblé nécessaire de vous mettre en garde.
__ Les gens ces derniers jours ont passé leur temps à nous mettre en garde contre mille et un dangers, répliqua Elthalion d’un ton dur.
__ Fort bien ! c’est une sacrée bonne chose, un homme averti au vaut deux comme on dit.
__ Qu’était cette créature ? demanda le roi en désignant le trou d’air vibrant.
__ Sans aucun doute le pire de tous vos poursuivants. C’est le Dévoreur, un être que je poursuis moi-même depuis longtemps et de très loin. C’est une créature sans rêve qui se nourrit de l’imaginaire des autres. Un vampire onirique si vous voulez, un vampirique. Oh ! il n’est pas mort, même après une telle chute, s’il n’est pas increvable il fait preuve de capacités de résistances foudroyantes.
__ Qui vous envoi ? demanda le roi.
__ Cela, je ne peux pas le dire, s’esclaffa l’assassin étranger. Mais ne vous inquiétez pas, je suis parmi les meilleurs de mon domaine. Oh, je conviens que le combat que vous venez de voir était un tantinet tape à l’œil. Mais face au Dévoreur, on ne peut pas faire dans la dentelle. J’ai éliminé d’autres poursuiveurs de façon bien plus discrète.
Il sourit de satisfaction, comme s’il attendait des remerciements ou congratulations.
__ Il y a d’autres personnes chargées de notre « protection » ?
__ Oui mais j’en ai tué certains, ne m’en voulez pas. On n’est jamais sûr de leur ordre de mission. Ils peuvent vouloir vous protéger un moment et vous tuer à un autre. Alors autant les tuer tout de suite.
__ Ou bien ils pourraient vouloir nous protéger tout le temps ce qui vous empêcherait de nous tuer au moment propice, répliqua la reine d’un ton acerbe.
__ Ah oui ? Non, rassurez vous, croyez moi ou pas c’est votre vie ! mais je n’ai pas pour ordre de vous tuer, bien au contraire, j’ai la mission expresse de vous garder en vie. Cependant, ne trainons pas trop ici, voulez vous, comme vous l’avez constaté ce stupide plancher se trou très facilement, quelle idée de le faire en osier. J’ai préparé à votre intention un petit dirigeable qui vous ramènera sur le digne plancher des vaches – les pauvres passeraient au travers de celui-ci. Et pour empêcher la petite centaine d’individus en tout genre – monstres compris – lancés à vos trousses et qui sont planqués dans cette ville, je vais organiser une diversion. Vous devriez avoir le temps d’atteindre votre objectif suivant sans encombre, quel qu’il soit. Je vous rejoindrais plus tard.
__ Le Dévoreur est déjà en bas, rappela Elthalion.
__ Bien vrai ! convint l’assassin. Toute gelée brumeuse de cauchemar qu’il est, il lui faudra cependant quelques heures avant de se remettre de ses émotions. Il massacrera quelques paysans ou pauvres voyageurs pour la peine, oubliera ce qu’il faisait avant cela et le temps qu’il s’en souvienne vous serez loin. Restez toutefois attentifs aux déformations dans l’onirisme qu’il projette. Dès que vous en sentez une, courrez ! Fuyez aussi loin que possible. Un Dévoreur ne se combat pas sans être sérieusement entrainé.
__ Vous semblez avoir une dent particulière contre lui, dit Elthalion qui commençait à le trouver sympathique.
__ Le pays d’où je viens et qui se situe au-delà de l’océan n’est plus qu’une terre sans rêve plongée dans la folie. Conséquence du passage du Grand Dévoreur, le plus puissant des vampiriques. Ceux qui ont survis à la folie se sont fait comme moi un devoir d’en débarrasser le monde. Maintenant, partez !
Il les escorta jusqu’au petit ballon quatre places qu’il avait caché derrière un entrepôt. Une fois dedans, il poussa le ballon qui surfa un moment grâce à ses ailes et ses voiles sur un courant d’air. Ils n’avaient aucune idée de comment la chose se manœuvrait, aussi se laissèrent ils portés par le vent. Ils volaient ! Mais Elthalion ne parvenait pas à en ressentir de la joie. L’angoisse de la chute lui tenaillait le ventre. Il guettait le sol à la recherche de la masse noire terrible du vampirique. Ils étaient déjà bien loin de Shive quand ils comprirent ce que leur protecteur attitré entendait par « faire diversion ».
Shive brulait. Cité de toile et de bois léger, le feu y était proscrit. On combattait les incendies par une violente bourrasque de vent projetée via des tubes prévus à cet effet et qui soufflait les flammes. Mais ce ne semblait pas suffisant pour éteindre l’incendie qui ravageait la cité.
Une explosion mauve secoua la ville. Un ballon plein d’un gaz étrange avait été dévoré par les flammes. Des cris horribles se propageaient là bas. Sans aucun doute, le nombre de leurs poursuivants tomberait drastiquement. [/SPR]
Se rapprocherait on du dénouement ? En théorie, plus que 4 chapitres ^^
Trouveront ils enfin des alliés pour les aider dans leur quête ? Ou n'iront ils que d'ennemis en ennemis ? Le roi Minotaure prendra t-il enfin conscience de l'énorme pouvoir dont il dispose ? Tout ceci vous le découvrirez dans le prochain chapitre : la cité labyrinthique... après 5 commentaires